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Lettre au Bien Aimé

par Anita BELDIMAN-MOORE

Mon Bien-Aimé,

Je t’écris car toutes les roses de l’Orient ne rivaliseront jamais avec les parfums de notre amour. Je n’ai jamais rien désiré que me dissoudre et être comme l'eau vive d'un ruisseau chantant sa mélopée la nuit, connaître la douleur d'une tendresse excessive, me réveiller aux aurores, le cœur ailé, et rendre grâces pour une nouvelle journée d'amour. T’avoir épousé est le miracle de mon existence. J’entends encore le célébrant nous dire : « Oui, vous serez ensemble dans la mémoire silencieuse de Dieu. Mais qu'il y ait des espaces dans votre entente. Que les vents des cieux puissent danser entre vous. Aimez-vous, l'un l'autre, mais ne faites pas de l'amour un carcan. »

Tu as dis  : « Oui » Et moi  : « Mon cœur et mon corps sont tiens comme les mots viennent se ranger dans la phrase pour lui donner son sens ».

Alors l’homme de Dieu nous dit : «  Chantez et dansez ensemble, et soyez joyeux, mais que chacun demeure isolé,
Comme sont isolées les cordes du luth, bien que frémissantes de la même musique.
Donnez vos coeurs, mais pas à la garde de l'autre,
Car vos coeurs, seule la main de Dieu peut les contenir. »

Et j’ai chanté mon Bien-Aimé, j’ai chanté jusqu’aux oreilles de notre Dieu. Tu as chanté de même alors. Tu ne chantes plus aujourd’hui. Tu murmures : « Nous sommes comme les noix, nous devons être brisés pour être découverts : les choses vues ne sont pas dans leur écorce mais dans leur noyau, et les hommes ne sont pas dans leur visage mais dans leur coeur.  »

Que me dis-tu, mon Bien-Aimé ? «  En tout homme résident deux êtres : l' un éveillé dans les ténèbres, l' autre assoupi dans la lumière.  »

« Oui, le soleil en moi s'est miré. Les fils de ma mère ont brûlé contre moi : ils m'ont mise gardienne de vignobles. Ne doute plus, ne m’éloigne plus . Je suis notre amour et son fruit. »

Et nous savions bien tous les deux  :

« Nos fruits ne sont pas notre ombre 
Nos enfants ne sont pas nos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même.
Ils viennent à travers nous mais non de nous.
Et bien qu’ils soient avec nous, ils ne nous appartiennent pas.
Nous sommes les arcs par qui nos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L’ Archer voit le but sur le chemin de l’infini. »

Mon Bien-Aimé, mon amour, nos enfants sont en Moi, notre amour se délite dans la rosée du petit matin. Ton corps est succulent et nourrit le fruit de notre amour. Tu es le meilleur de mes amants.

«  Ah ! Baise moi des baisers de ta bouche !
Car les amours sont plus délicieuses que le vin,
Et tes parfums ont une odeur suave... »
 
Rencontre improbable du Cantique des Cantiques et de Khalil Gibran
 

 

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