Gothiques

- II -
  Sous la raideur de marbre blanc
      Et les couronnes des gisants,
      Dans le froid et sévère murmure
      Des ombres sèches en robes de bure,
    A quoi rêvent donc les squelettes ?
A la lueur des cierges blonds
      Peignant leurs nocturnes plafonds,
      Aux vitraux dont l'éclat viendrait
      Caresser les parois ciselées
      De leurs trop hermétiques cachettes ?
Quand, sous le parfum capiteux
      De l'encens, perce irrévérencieux
      Celui d'un printemps nouveau-né,
      Frémissent-ils ces décharnés ?
      Et si oui, à quel souvenir ?
Est-ce à celui de ces senteurs :
      Filles et cerisiers en fleur
      Et des saveurs acidulées
      D'une peau fraîche et satinée
      Qu'ils ont goûtées à en mourir ?
Est-ce à l'éclat de ce sein rond
      De cette jambe au pied mignon
      A la douceur quasi divine
      De l'herbe quand on la piétine
      Sous l'œil coquin d'une drôlette ?
Dans la froidure de leurs tombeaux
      Sous leurs tous derniers oripeaux
      De poussière et d'ombre ivoirine
      Au son des cloches aux matines,
      A quoi rêvent encore les squelettes ?
    
17 septembre 1991